Jérôme Schmitt et Margaux Fender, étudiants en Génie électrique (GE) par alternance de l'INSA Strasbourg ont fabriqué une caméra hyperspectrale dans le cadre de leur Projet de recherche technologique (PRT). Ils ont été assistés par Manuel Flury et Christophe Cordier de la plateforme Physiques et Vibrations et du laboratoire ICube. Il s'agit d'un modèle Sol'Ex opensource (dont le code source est libre d'accès) et développé principalement par Christian Bull un astronome amateur reconnu dans cette communauté.
PRINCIPES
Une caméra possède habituellement deux dimensions spatiales, usuellement nommées x et y.
L’imagerie spectrale consiste à construire une représentation d’une scène en trois dimensions :
- Deux spatiales : l’abscisse x et l’ordonnée y ;
- Une spectrale : la longueur d’onde λ de la lumière
Afin de construire un cube de données dense en informations, plusieurs images sont enregistrées pour différentes longueurs d’ondes : il s’agit d’imagerie multispectrale.
Le spectre établi représente l’importance de la représentation de chaque longueur d’onde sur le capteur.
Lorsque le nombre d’images est élevé et l’intervalle entre chaque longueur d’onde est faible, le spectre est continu et il est parlé d’imagerie hyperspectrale (typiquement lorsque le nombre d’image est supérieur à 1000).
La base de données récoltées est appelée un hypercube.
APPLICATIONS
L’imagerie spectrale est utilisée dans de nombreux domaines :
- dans l’industrie agroalimentaire, elle permet de juger de la qualité des aliments ;
- en topographie, elle permet d’étudier les biomes, l’hydratation des sols et l’apport de nutriments des champs.
- dans le domaine médical, elle permet la comparaison entre les modèles sains et malades, notamment pour les cancers.
- en art, elle permet la reconstitution des couleurs d’origine ou éventuellement de retrouver des couches cachées.
SYSTEME
Le Sol’Ex est un ensemble de pièces réalisées en impression additive et de composants optiques. Le système se place entre un objectif et une caméra. La caméra est connectée à un logiciel d’acquisition et de visualisation. Originellement, le système est monté sur un télescope pour étudier le soleil à différentes longueurs d’onde.
- A l’entrée, une fente de quelques microns permet de réduire la quantité de lumière entrante et impose une direction.
- La lumière passe à travers un collimateur, qui permet de rendre les rayons parallèles.
- Le faisceau éclaire un réseau de diffraction, qui décompose la lumière suivant les longueurs d’onde.
- Le réseau « décompose » la lumière pour donner le spectre électromagnétique.
- Les rayons passent ensuite à travers une lentille de convergence.
- Les rayons sont alors dirigées vers le capteur de la caméra.
ACQUISITION
La caméra utilisée est une ZWO ASI128MM. Elle est monochrome, donc un pixel contient un chiffre avec deux-cents-cinquante-six valeurs possibles. La caméra est fournie avec un logiciel de visualisation nommé AsiCap. La caméra doit également être calibrée en termes d’ouverture et de focale. Pour cela, il est nécessaire de régler :
- le sens de la fente, pour assurer l’orientation désirée,
- le sens de la caméra, pour un affichage orthogonal,
- la focale de la bague hélicoïdale, pour la mise au point,
- la distance du tube objectif,
- la bonne orientation du réseau, pour assurer un affichage centré,
- la mise au point et la focale de l’objectif,
- l’exposition et le gain dans le logiciel pour assurer un histogramme centrée afin d’avoir une dynamique optimale.
TRAITEMENT
Afin de reconstituer une image d’une scène, un cube de données est nécessaire. Une acquisition est donc réalisée à intervalle régulier tandis que la caméra balaye la scène en translation. Ensuite, la même raie de chaque image de la vidéo est récupérée et ajoutée à l’image finale. Cette dernière image monochromatique représente la scène étudiée à une longueur d’onde donnée.
Ce traitement peut être réalisé à l’aide de logiciel libre comme i-spec ou avec des programmes sous Matlab.
CONCLUSION
L’imagerie hyperspectrale est applicable à de nombreux projets. Un moteur pas à pas peut être ajouté pour régulariser le déplacement lors de l’acquisition.
L’étude des raies peut aussi être plus précise. La plage actuelle d’observation est de 15nm et les raies sont visées à l’aide d’une échelle colorée très rudimentaire. La caméra a toutefois été calibrée sur des lampes à gaz dont les émissions en longueur d’onde sont connues.
Ce travail s’est fait dans le cadre d’une collaboration GEMINI PRO-Am.
Nous voudrions au passage remercier les membres de l’association AITP (Alsace Internet Télescope Project), et en particulier Denis Christen, Christian Kreider et Alain Maetz.